Dans le métro
Depuis la fin du premier confinement, dans le métro, des masques bleus se penchent vers des écrans. Les oreilles qui en dépassent sont obstruées par des écouteurs.
Pour ne pas ajouter un nouveau zombie à cette assemblée, Lise s’est promis de ne plus consulter son téléphone durant son trajet quotidien. Il lui semble parfois que sa résistance influence d’autres passagers qui soudain détachent les yeux de leur appareil. En l’apercevant lire ou ne rien faire – si penser est ne rien faire – ils prennent conscience de l’absurdité de leur posture et de leur activité. Leurs doigts, autour de leur téléphone, se décrispent. Ils regardent autour d’eux et sortent parfois un livre de leur sac.
Ce matin, Lise ne lit pas. Elle pense à Gauthier dont elle a fait connaissance jeudi à l’anniversaire d’Angèle. Ils ont passé la soirée à discuter. Hier, elle lui a envoyé un texto pour lui proposer de se revoir. Pourquoi n’a-t-il pas encore répondu ?
Soudain, un bruit de goutte d’eau lui indique la réception d’un message. C’est Gauthier ? A-t-il accepté son invitation ? Après tout, c’est peut-être Angèle qui lui propose un ciné ? Ou n’importe qui d’autre qui demande ou donne des nouvelles ? Ou même une marque de vêtements ou de chaussures qui annonce les soldes ? Lise serre son sac posé sur ses genoux. À l'intérieur, il y a son téléphone. Dans son téléphone, il y a un message. Difficile de résister. Si c’est Gauthier, qu’a-t-il répondu ? Qu’il n’est pas disponible ou qu’il est content à l’idée de la revoir ?
Lise plonge la main dans son sac, sent la surface lisse de l’écran. Elle frôle les angles arrondis de l’objet. Autour d’elle, chacun est penché vers une lueur blafarde.
Elle continue de fouiller dans son sac et en sort un livre de poésie.