À l’extérieur, ça s’agite, je perçois des sons de voix plus forts que d’habitude. C’est une dispute, mais à ce moment-là, je ne sais pas ce qu’est une dispute. Je ressens une tension, quelque chose qui est contraire à l’apaisement que je connais depuis le début de ma vie.

Jusqu’à maintenant, je navigue dans un univers calme, doux, à température idéale. Je sens sur ma peau la douceur de l’espace fluide dans lequel je peux me mouvoir dans toutes les dimensions. J’ai des activités variées. De temps en temps, j’attrape mes pieds, je croise les doigts de mes mains ou je les mets dans ma bouche. J’enroule ce gros fil qui part de mon ventre. Bien sûr, dans cette première vie, je ne sais pas encore que ce sont mes pieds, mes mains et mon ventre. Je pense même que ce sont d’autres êtres qui sont là pour me tenir compagnie. Je goûte parfois cet environnement sur mes papilles. Il est souvent salé, parfois un peu sucré. Je sens les vibrations et je perçois des sons de l’autre univers qui semble m’appeler. Je le devine infiniment vaste, avec une multitude de possibilités, de bruits, d’espaces.

Dans l’autre monde, la dispute continue. Je ne bouge plus. Je fais semblant de ne pas être là. J’ai envie de rester tranquille, de retourner vers le néant. Je décide de renoncer à cet autre monde qui me semble trop hostile. Je fais demi-tour vers la non-existence. J’imagine mon petit corps blanc naviguant, seul, dans le cosmos uniformément noir.

Alors, ma mère est prise de terribles douleurs. Autour, d’autres personnes s’agitent, elle risque de mourir et le bébé aussi. Terrifiée par la panique que je provoque, je décide de revenir vers la lumière, pour vivre bientôt ma seconde vie.