Anne Bouchara

Vendredi soir

Vendredi soir. Je suis encore au bureau. Dehors, tout est noir. C’est le seul signe qui me fait dire que nous sommes en hiver tant les températures sont douces en ce moment.

Il y a peu, j’ai changé d’ordinateur. Il a fallu transférer les archives de mails de mon ancien ordinateur vers le nouveau. Cela a pris quelques minutes. Par curiosité, j’ai ouvert un dossier datant d’une dizaine d’années et consulté quelques mails. Les destinataires ont quitté l’Institut Larolle ou ont changé de service depuis longtemps. L’objet du mail me semble appartenir à une autre vie que la mienne. Les projets dont il est question ont été abandonnés ou ont abouti depuis longtemps et ce mail intitulé “URGENT” semble aujourd’hui dérisoire.

Je me remets au travail dans mon bureau silencieux. Il me reste quelques mails à consulter avant le week-end. Il est 18h12. Sur l’écran, la liste de mails devient floue. Sont-ils urgents ou pas ? Tous ces messages me semblent soudain inutiles, comme si je les lisais dans cinq ans, lorsque les expéditeurs ne seront plus là, et que moi-même je ferai autre chose.

Dehors, par la fenêtre du bureau, tout est noir, un vendredi soir.